Denis Turina a toujours dans ses stocks un texte sympa à publier et quelques photos, c’est pour cela et plein d’autres bonnes raisons que nous apprécions au plus haut point le personnage !
Il nous raconte :
« Pour les 80 ans de leur maman, un berger des Alpes de Haute Provence a décidé de lui offrir le survol de sa zone de pâture estivale, et d’emmener son frère qui ne connaissait pas non plus ce lieu.
Après un briefing un peu long car il s’agissait d’un premier vol pour les trois passagers, nous décollons de Tallard le 6 juin 2001 avec le Rallye 180 cv F-BRRK », « Roméo Kilo » pour les intimes, en direction des lacs de Lignin, à plus de 2.200 m d’altitude du coté de Colmars.
Maman est à coté du chauffeur, ses deux garçons sont derrière. En ce temps-là, les tablettes n’existent pas et les GPS sont réservés à une élite certaine.
La nav est donc tracée sur une carte en papier, le compas de l’avion baigne dans son pétrole et une montre est fixée à ma planchette de vol.
Quelques commentaires sur les points remarquables survolés, dans l’avion l’ambiance est au beau fixe et au dessus de 1800 m, la neige couvre encore le sol dans les vallons à l’ombre. En m’aidant de l’aérologie, je continue de monter en me repérant sur les sommets environnants, que je montre au berger. Mis à part quelques petites taches noires, le sol est maintenant uniformément blanc et il ne reconnaît pas son décor habituel.
Arrivés au dessus de la couche de neige qui recouvre le lac au bord duquel se trouve sa cabane en pierre, je fais un grand cercle en décrivant le paysage et le berger finit par se retrouver.
Il est déçu car il ne voit pas la petite maison qu’il voulait montrer à sa famille, et surtout très inquiet car il ne sait pas jusqu’où il pourra faire monter ses brebis à la date prévue, à cause de la neige. Les camions qui les amènent de la bergerie jusqu’à Colmars sont commandés et il craint d’être obligé de commencer la pâture avant d’avoir pu rejoindre sa cabane.
Maintenant qu’il est bien repéré, je lui demande où elle se situe par rapport au lac et finalement, après un passage au dessus de quelques points noirs, nous identifions une cheminée et un morceau de toit qui dépassent.
Sa joie éclate, elle est contagieuse : – regarde maman, c’est ma maison, là juste en dessous.
Je lui propose alors de suivre en sens inverse le chemin qu’il va emprunter à pieds depuis Colmars avec son troupeau, ses chiens et ses « patous », pour qu’il puisse se faire une idée de l’enneigement. Là, c’est lui qui tient le crachoir, en montrant à sa famille les cabanes et les pâtures de ses voisins bergers.
A la différence de l’aller où j’avais été pratiquement le seul à parler, jusqu’à l’arrivée dans le circuit de l’aérodrome, les conversations vont bon train.
Quand les passagers et l’équipage sont contents, le vol est réussi !