Denis Turina me dit l’autre jour, « je viens de voir Jean-Francois, l’élève de Sidonie, partir pour sa première nav, ça te dirait de faire une série ? » Banco !
Vous trouverez donc quelques récits qui narrent cette première grande aventure au cours de la formation du brevet de pilote, celle où votre instructeur, après vous avoir lâché en tour de piste, vous dit, « bon, ma cocotte/ mon coco, la semaine prochaine, tu me prépares cette destination, et tu iras sans moi…! »
Emotion garantie, même si l’instructeur reprend souvent un terrain déjà fréquenté en double…
Premier de cordée oblige, Denis :
Le TT, couramment appelé second degré, c’était le PPL de grand-papa. Il était mûr après une quarantaine d’heures de vol et se composait d’un examen théorique au sol et d’une épreuve en vol.
Après avoir réussi l’examen théorique, passé individuellement au domicile d’un commissaire de l’Aéro-club de France, il me fallait réussir l’épreuve en vol. Celle-ci consistait en un parcours effectué seul à bord qui, si ma mémoire est bonne, devait comporter au moins trois escales et une branche longue de plus de 100 km.
Après une solide préparation au sol, le 24 mars 1961 j’ai donc décollé de Grenoble Eybens à bord du Jodel D 112 F-BGKM.
Comme tous les Jojo de l’aéro-club du Dauphiné, cet avion n’avait pas de batterie, donc ni radio ni démarreur, et ses freins avaient été neutralisés pour préserver l’hélice. Quand le vent au sol dépassait une dizaine nœuds, le roulage pour rejoindre l’entrée de piste demandait déjà des réflexes et une bonne coordination pied, manche et manette (plein réduit en bas, plein pots en haut)…
Peu d’instruments aussi : badin, alti, vario, tachymètre et température d’huile.
Le niveau de carburant était donné par la hauteur de la tige métallique qui sortait du bouchon du réservoir. Placée devant le nez du pilote, sa partie inférieure était fixée à un flotteur qui baignait dans l’essence.
Bref, un avion à faire pâlir d’envie aujourd’hui n’importe quel contrôleur de l’OSAC.
Le trajet prévu était Eybens, Saint Étienne de Saint Geoirs, Lyon Bron (seul aérodrome à Lyon), Montélimar (branche de plus de 100 km obligatoire), Valence et retour à Eybens. Peu de zones réglementées. Saint Étienne de Saint Geoirs était un terrain en herbe qui ne s’appelait pas encore « Isère », comme Satolas qui ne s’appelait pas « Saint-Exupéry ».
La navigation se faisait avec la carte sur le genou gauche, le compas qui baignait dans du pétrole, la montre et le badin. Sans radio, il fallait vraiment regarder dehors pour naviguer et pour assurer l’anti-collision, tout particulièrement à proximité des aérodromes et dans les circuits de piste.
En arrivant à Bron au milieu des Discount et autres Caravelles, je me souviens avoir serré les fesses et les dents en regardant dehors.
En sortant du local, en préfabriqué je crois, où j’avais fait tamponner mon carnet de vol, le H 34 à coté duquel je m’étais parqué a mis son moteur en route. J’ai donc admiré la bête, mais quand son rotor a commencé à tourner j’ai eu peur pour mon Jojo. N’écoutant que mon courage, je me suis couché sur son fuselage au niveau de l’empennage. Vent soufflant du bon coté, distance suffisante, je ne pense pas que cela a été utile. Et j’ai regardé avec envie la bête s’envoler, puis cherché un volontaire pour lancer l’hélice.
RAS pour la suite de l’aventure, et quelle fierté de rentrer au bercail pour exhiber tous les tampons des escales à Henri B, mon moniteur!