Mi-décembre à l’Aéroclub Alpin, comme dans beaucoup de clubs en France, on se demande toujours vers quelle destination se tourner. Les envies proposent, et la météo dispose ! On en vient à refaire toujours un peu les mêmes vols, un petit tour vers Serre-Ponçon, Sisteron, voire vers les Écrins. Vers Grenoble, ça parait bien aléatoire, le sud pas forcément clément non plus, la vallée du Rhône et son Mistral…Enfin, pour être franc, il fait très beau ici… c’est ailleurs que c’est compliqué! A Gap, on a de sacrés problèmes de choix ! Une autre solution, lever le nez…pour visiter le massif le plus proche de Gap !
Un vol en particulier reste toujours mémorable, peu importe la saison. C’est de monter (en avion, vous me direz, on descend rarement en début de vol…😂!) sur le pic de Bure.
Massif du Dévoluy, au Nord-ouest de Gap, une falaise mythique, une montagne que l’on voit depuis la traversée Corse/continent, avec son fameux profil d’humain, vu depuis le Sud.
Ce pic comporte à son sommet ( 2500m) un plateau où a été installé, dans les années 80, un observatoire astronomique reconnu dans le monde entier. L’Institut de RadioAstronomie Millimétrique ( toujours étonnant de parler de millimètre pour explorer les confins de l’Univers…), l’IRAM donc (basé à Grenoble et intégré au consortium international Évent Horizon Télescope) gère un interféromètre millimétrique composé de 12 paraboles, appelé NOema (NOrthern Extended Millimetric Array) depuis 2014.
Ces paraboles de 15m de diamètre sont synchronisées pour observer un point précis de la voûte céleste. Un ordinateur extrêmement puissant va corréler les signaux des ondes millimétriques (1,3mm soit 230 gigahertz) pour produire des images exceptionnelles. Bure est l’observatoire, avec un autre télescope de 30m, qui a permis de révéler la première image d’un trou noir, en 2019.
L’avion réservé, la météo semble clémente car nous voulons y faire quelques images…mais en lumière visible! 120cv à deux, température polaire, on en peut pas espérer un taux de montée dingue, mais cela nous permet de longer les parois abrupts de ce massif, à la recherche de la moindre pompe, au soleil de ce milieu d’après midi, à l’écoute 130.00, la fréquence montagne.
Deux-trois allers retours en face sud le long de ces éboulis, où s’accrochent les premières neiges, permettent d’aborder en toute sécurité le plateau sommital, tout en évitant les câbles du téléphérique et des remontées mécaniques de la station de Super Dévoluy. L’air est dense, si stable que nous avons l’impression de voler dans du coton.
Les mots n’ont que peu de sens lorsque l’on découvre ce site vu du ciel.
Serge a armé son IPhone 12 et nous tournons autour de NOema, bluffés par la majesté de cet endroit, émus par la lumière irradiant les antennes, admiratifs de l’intelligence déployée par l’espèce humaine à développer de tels instruments, conscients de notre chance de piloter une machine nous permettant la téléportation en quelques minutes depuis notre vallée 6000’ plus bas.
Serge me guide pour tenir un rayon de virage constant, enrouler le site et ainsi produire un film réussi.
Quelques clichés supplémentaires, puis cap à l’est pour longer la falaise calcaire de 600m de haut, falaise (TD+!) où ont bataillé René Desmaison, André Bertrand et Yves Pollet-Villard 3 jours entiers , en 1961.
Plein riche, phares allumés, 119.10, nous plongeons vers Gap inondée d’une lumière rasante vers le point Novembre, avec des étoiles plein les yeux, rêvants de trous noirs et d’exploration spatiale vers des mondes inconnus !